Mr. Socrates




Mr Socrates
2007 Corée du sud
De Choi Jin-won
Avec Kim Rae-won, Kang Sin-il,
Lee Jong-hyeok et Yun Tae-voung







Koo Dong-huyk est un petit voyou, violent et asocial, il prend un malin plaisir à se faire détester de tous. A priori irrécupérable, il est kidnappé par une bande de mafieux et retenu prisonnier dans une école abandonnée. Dans quel but ? Etudier ! D’abord récalcitrant, Koo Dong-huyk, va devenir le sujet d’une méthode d’enseignement peu orthodoxe qui le pousse à réussir au péril de sa vie. A la sortie passer l’examen de policier, dans le but de couvrir les activités criminelles de ceux qui l’ont formé. Mais de la philosophie de cet enseignement douloureux, Koo Dong-huyk, en a surtout retiré le libre arbitre !




Une énergie décomplexée

Il fallait s’y attendre Park Chan Woo a relancé le polar social coréen énervé, pas mal de réalisateurs ont depuis suivi, avec plus ou moins d’inspiration et de succès. Ce qui est le cas de De Choi Jin-won pour Mr Socrates, dont le titre résume à lui seul le pitch et l’ironie du film.



Que ce soit à travers le titre du film et tout au long du processus d’apprentissage du héros, l’auteur pose en effet les bases d’une remise en question fondamentale de l’éducation de son pays. Ou comment la société dans sa quête de pouvoir et de réussite nous incite à la violence (de nous jours les gangsters occupent une place trop importante dans la pyramide sociale).



L’éducation passe t’elle par le cassage de l’individu ? L’éducation pour qu’elle morale, si le moteur de celle-ci reste la violence ? Enseigner pour apprivoiser une bête asociale ou utiliser la violence de celle-ci à des fins sociales ? Qui est Socrates pour ces enseignants si singuliers ? Tout ceci ne serait donc qu’au service d’une ironie cinglante.

De l’ironie à la morale

Quand on sait que Socrate est considéré comme le père de la philosophie occidentale et qu’il est l'un des inventeurs de la notion de Morale, on s’aperçoit que ce polar décomplexé a peut être une vocation moins divertissante qu’il n’y paraît.



La quête de rédemption, la puissance du libre arbitre et de la réflexion.

Face à son professeur, l’élève devient miroir et le miroir incite à la réflexion, à faire des choix fondamentaux, comme faire face aux conséquences de ses crimes (Koo Dong-huyk invite son Maître à l’enterrement d’une de leur victime).




Violence et constat social

C’est assez intéressant d’observer la fascination de certains metteurs en scène pour la violence et la jeunesse de leur pays. Au regard de certains films en Asie, se dégage un douloureux constat.
De prime abord la « cool attitude tendance » semble cautionner ces actes délictueux, mais en vérité cette façade n’est que le vernis sur des fêlures profondes, traduisant une réelle volonté de changement pour les acteurs de cette jeunesse, en quête de bons modèles.

Si certains films peuvent paraître être une apologie de la violence (Made in Hong Kong, Diamond Hill, Die Bad, Running Wild, Pornostar ou Mr Socrates…), ils posent pourtant une question essentielle au public auquel ils s’adressent.






A titre d'exemple Die Bad de Ryoo Seung-Wan, pourtant réalisé en 2000, est un des films emblématiques de cette dégénérescence sociale, au discours furieusement international. Sous son caractère underground, Die Bad incarne à lui seul le caractère irréversible d'une violence qui gangrène la jeunesse de tous les pays. Obsession pour la brutalité, surexposition des Triades... C'est un constat douleureux et sanglant qui ne semble pas à avoir de réponse, si ce n'est au fond de notre âme et de notre morale.
Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!

Dragon Squad



Dragon Squad

2005 Hong Kong

De Daniel Lee
AvecVaness Wu, Shaw Yu Man Lok,
Xia Xu, Mickael Bienh, Tony Ho Wah Chiu

et Sammo Hung





Afin d’assurer le transfert d’un petit mafieux local, les autorités de Hong Kong font appel à une équipe composée de jeunes policiers issus de différents horizons. Cette unité d’élite rassemblant différents spécialistes venus de toute l’Asie, se fait appeler la Dragon Squad. Mais lors du transfert rien ne se passe comme prévu et le convoi est attaqué par un groupe de mercenaires particulièrement efficace. Commence dès lors une lutte sans merci sans l’accord de leur hiérarchie entre la Dragon Squad et ces mercenaires qui semblent animer par d’autres motivations que l’argent. Un flic (Sammo Hung) sur le retour ayant un compte personnel à régler avec l’un des mercenaires, va également leur apporter son aide.


« Les images ne mentent pas »…
Cet aphorisme évoqué par une des jeunes recrues (Shaw Yu Man lok)… est d’autant plus important, que ces images en question (à savoir les plans du réalisateur Daniel Lee) peuvent servir ou desservir les héros du film.

« Les images ne mentent pas »…Tant celles-ci traduisent en effet l’attachement du réalisateur pour ses bad guys (l’équipe de mercenaires) pourvus d’une véritable épaisseur émotionnelle qui fait parfois défaut à la jeune team (parfois reléguée au second plan de l’intrigue, voir de la caméra). L’empathie du spectateur s’en ressent aussitôt et tandis que l’on vibre à chaque confrontation, chaque fusillade, on ne peut s’empêcher de frémir pour ces méchants attachants.

Daniel Lee masquant volontairement à travers son scénario et sa mise en scène la frontière entre le Bien et le Mal. Le fait que l’un des héros filme leur aventure, ne fait que cautionner l’intention du réalisateur à mettre en scène une histoire aux codes de moralité ambigus, la caméra du jeune flic mettant plus en valeur le charisme et l’expérience de leurs adversaires que la DragonSquad.

Daniel Lee aurait-il choisi son camp ?

Dans cette lutte entre les 2 factions, celui de la jeunesse contre celui de l’expérience (Mickael Bienh et Tony Ho Wah Chiu excellents), l’héroïsme prévaut avant tout. Et en terme de démesure, Hong Kong oblige, Dragon Squad assure le spectacle, fusillades extrêmes, guérilla urbaines sanglantes et apocalyptiques, de quoi noyer sous les douilles et les gerbes de sang les clichés d’usage sans doute exigé par la production.

En effet en roublard de la mise en scène Daniel Lee ne cédera pas à ses créanciers et ce jusque dans un final meurtrier, à la fois riche et vain en émotions (cela dépend quel camp on choisi…) d’une jeunesse sacrifiée sur l’autel sanglant du succès.

S’il vous plaît ne tenez pas trop rigueur à Monsieur Lee pour ses acteurs poseurs (mode canto pop oblige) et zappés la dernière scène du film (imposée par les studios) qui vient casser le caractère noir et désabusé d’un réalisateur rebel.
Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!

Ab-Normal Beauty





Ab Normal Beauty
2004 Hong Kong / Thaïlande
De Oxide Pang
Avec Race Wong, Rosanne Wong,
et Anson Leung


Sous l’effet d’une vacuité intellectuelle nocive qui a trop souvent tendance à se répandre telle une pandémie d’intolérance, certains se plaisent à dénigrer le cinéma des frères Pang. c’est fou la capacité acerbe de certains critiques qui de leur plume peuvent encenser ou enflammer un auteur selon la tendance !
Ces attaques admonestées aux frangins sont d’autant plus injustes, que se sont les mêmes qui jadis criaient au génie formel, qui maintenant les fustigent.

Après tout, les frères Pang sont ce qu’ils sont : de grands faiseurs d’images ! A défaut de narrateurs solides me direz vous ? Cela reste à prouver... car chez les Pang, le scénario est avant tout un script, un support tout au service de l’image, pour une mise en scène allégorique et évocatrice d’un cinéma qui se vit avec ses sens…

Jiney (Race Wong) est étudiante en arts plastiques, passionnée de photo. Accompagnée de son amie (amoureuse exclusive et platonique) Jasmine (Rosanne Wong), elle parcours la ville et ses habitants, à la recherche du cliché parfait.
Au détour d’une promenade photographique, les deux amies assistent à la mort atroce d’une jeune fille renversée par une voiture, Jiney ne peut alors s’empêcher de prendre en photo la défunte. Elle découvre alors ce qui manquait à ses photos : la mort.

Jasmine impuissante assiste à la transformation de Jiney chez qui naît un besoin morbide de capturer la mort dans son objectif. Son obsession l’amène au bord de la schizophrénie et Jiney finira par obtenir ce qu’elle attendait, passer de l’autre côté du miroir. La jeune fille en détresse autant fascinée par sa mort que celle des autres se voit bientôt approchée par un curieux fan (la mort ?). Jiney comprendra que cette quête du passage à l’acte, est motivée par le souvenir d’un viol et que sa mère n’a jamais reconnu lorsqu’elle était enfant. Mais il est peut-être déjà trop tard.
Ab-Normalement Beau !
Avec une subtilité narrative rare et des images proches de peintures photographiques, voici bien l’un des plus marquant et des plus beau film d’horreur de cette décennie. Introspection morbide, catharsis d’un viol, traumatisme d’une enfant ligotée par le silence et l’incompréhension d’une société aveugle. Un film riche en thèmes et en images marquantes, bien loin de tous les poncifs propre au cinéma asiatique de genre.

Le film exerce une fascination insolite, dérivée des horreurs mises en scène. En vérité, Ab-Normal Beauty est une incroyable mise en abîme de l’artiste et de la mort pour les spectateurs voyeurs que nous sommes.

Ab-Normal Beauty est un film d’une grande beauté, malgré un final qui s’essouffle faute à un twist légèrement décevant. Les deux actrices principales (Race Wong et Rosanne Wong, toutes deux sœurs dans la vie) sont merveilleuses et plus que convaincantes, habitées par une énergie, une détresse morbide et détentrices d’une ambiguïté sensuelle, pour ne pas dire sexuelle.
Bref du fantastique pure, à,l’aune de la charogne (Thanatos) et de l’Eros.
C’est dire si c’était horrible, c’est dire si c’était beau !
Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!

Bullets over Summer




Bullet Over Summer
1999 Hong Kong
De Wilson Yip
Avec Francis Ng, Louis Koo,
Lai Yiu Cheung,
Mei Ching Lam et Lan Law


Au vu de ses œuvres précédentes (Mongkok streets, Bullets over summer) et actuelles (Juliet in Love, SPL), Wilson Yip jeune réalisateur de talent et scénariste inspiré par le quotidien de son archipel, apparaît comme une des figures de proue (Soi Cheang à ses côtés) de la nouvelle vague du cinéma de Hong Kong.

HK never dies !

De son statut à fois la hybride et novateur, Bullet Over Summer fait partie de ces films transitoires de la nouvelle vague (au même titre que Love Battlefield ou Diamond Hill de Soi Cheang), s’adressant aussi bien aux nostalgiques des polars HK des années 90 (OCTB, City on Fire, The Killer) qu’aux férus d’un cinéma d’auteur et indépendant allant de Wong Kar Wai à Fruit Chan.

Wilson Yip avec une caméra à la fois vivante et discrète, une direction d’acteurs (par ailleurs excellents) impeccable joue sur tous les registres de l’émotion, allant du rire à la mélancolie, de l’action à la contemplation. Bullet Over Summer sous ses allures de néo-polar est en quelque sorte le cinéma de la vie, la vie faîte de mouvements et de trêves.
On pense dès lors plus à Wong Kar Wai qu’à Ringo Lam lors de certains passages et on pourrait même s’aventurer à prétendre que Bullet Over Summer supplante parfois certains de ses aînés !
Sur la piste de Dragon (Joe Lee), un dangereux gangster, deux flics en civil (Francis Ng et Louis Koo) entament une longue planque dans l’appartement d’une modeste vieille dame. Le temps passe et le trio s’apprivoise peu à peu, formant une famille improbable et attachante. Au gré de rencontre avec divers habitants du quartier, les deux héros commencent à envisager l’avenir autrement, allant jusqu’à laisser de côté l’affaire qui les avait conduit ici. C’est alors que Dragon refait surface.


Cela pourrait presque ressembler à un vaudeville asiatique, dramatique et intimiste. Bullet Over Summer se déguste comme une tranche de vie, une pause dans la monotonie quotidienne de deux flics désabusés. Des destins qui s’effleurent, se croisent ou s’envisagent, dans l’improbable appartement d’une grande mère un peu folle et esseulée.


Le premier, tombe amoureux (Louis Koo) d’une étudiante paumée et fraîche, dont l’insouciante jeunesse fait échos à la sienne et sur la façon dont il mène son travail.
Le second (Francs Ng) envisage de changer de vie, quitte à nier l’immuable (il cache un douloureux secret) et rêve de fonder une famille avec la gérante du pressing d’en face.
Quant à la vieille dame, celle-ci se persuade, dans sa douce folie, que ses deux hommes en planque sont en réalité ses petits fils !
A la fois touchant, drôle, mélancolique et… optimiste !

Bullet Over Summer pourrait être la suite de Chungking Express et des Anges Déchus !
Du grand art de la part d’un jeune metteur en scène qui privilégie avant tout la force de l’instant. L’espace de quelques plans les scènes se fige, sur des bonheurs ou des tensions, comme si ce qui précédait ou précédera n’avait plus d’importance. Ce procédé qui joue avec la temporalité, provoque alors des pics d’émotions, parfois faits de coïncidences, servant ou remettant en question l’action qui va suivre. Un jeu d’images et de montage tout au service de l’intrigue et des propos du réalisateur.

Au début du film, on peut voir Francis Ng en train de courir à perdre haleine. Est-il poursuivi ? Poursuit-il quelqu’un ? Filmé de profil dans ce long travelling, les poteaux à côté du héros défilent pendant sa course effrénée, effet d’optique oblige le décor recule tandis que le personnage avance. Puis grâce au jeu de perspective de la caméra, le même décor se met par moment à défiler dans l’autre sens ! C’est un plan d’ouverture important : Le héros court-il après son passé ou après le futur ? Et en filigrane toute la symbolique de Hong Kong avant la rétrocession.

Car l‘autre force du film réside dans la chronique sociale qui vient alimenter l’intrigue d’un polar riche en émotions. Ainsi nous croisons un échantillon diversifié de la population Hongkongaise, tous statuts confondus, un microcosme social fait d’inégalité et de partage. L’occasion pour le Wilson Yip de prendre le temps de réfléchir sur sa ville, ses habitants et son devenir. Car ne nous y trompons pas, cette obsession de l’instant, traduit bien la volonté du réalisateur de faire un break dans une ville en proie au changement (la rétrocession de Hong Kong à la Chine). Le calme avant le chaos (le retour de Dragon symbolise l’irrémédiable sort de l’archipel anglaise).

Et puis du chaos, vient la raison, le fait que rien n’a vraiment changé et qu’en même temps tout est bouleversé dans la grande roue de la vie de cet Archipel du 7ème art à ciel ouvert qu’est Hong Kong.
Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!