Time




TIME
C
orée du Sud 2006
De Kim Ki Duk
Avec Hyeon-a Seong,
Jung-woo Ha, Ji-yeon Park






Après deux ans de vie commune See-hee s’inquiète quant à l’usure du temps sur son couple. Passionnément amoureuse, jalouse et sensible, See-hee, ne supporte plus que son compagnon Ji-woo porte un regard sur d’autres femmes. Craignant la lassitude de celui-ci, elle décide après des mois de disputes et de larmes, de rompre subitement laissant Ji-woo seul et désemparé. Navré de n’avoir que le même physique à lui offrir, See-hee entreprend à l’insu de tous, une opération de chirurgie esthétique visant à changer radicalement son apparence. Pendant cinq mois elle vivra avec un masque sur le visage, se faisant passer pour une autre et tentant de séduire Ji-woo. Au sixième mois See-hee, retirera son masque et viendra le temps des révélations.



Toujours avec cette même délectation violente et sophistiquée, Kim Ki Duk aime nous perdre et nous tromper, comme il trompe ses personnages. Time est donc une nouvelle théorie dérangeante, une nouvelle manipulation cinématographique de ce réalisateur iconoclaste et impitoyable.


Quête de l’amour éternel, entre lassitude et excitation de l’autre. L’amour a-t-il une date de péremption ?

Un thème brûlant et un terrain d’expérimentation idéal, pour un réalisateur au caractère si particulier, qui saura une fois de plus nous marquer à vie et mettre à nue notre âme en même temps que celle de ses personnages à qui il n’épargnera aucune douleur.


Ainsi raviver la flamme de l’amour, devient une quête passionnée, conduisant à la folie et à des choix extrêmes, allant de la destruction physique (via la chirurgie esthétique), au jeu cruel du chat et de la souris. Cette aventure humaine, devient au fil du temps : séduisante, malsaine puis effrayante, nous amenant aux portes du fantastique dans un final féroce et irrémédiable..



Aussi parce que chez Kim Ki Duk, comme dans la vie, rien ne se passe jamais comme prévu, nous sommes toujours cueillis au détour de sa réalisation méticuleuse. Une réalisation qui retranscrit à merveille les tréfonds de l’âme humaine et l’imprévisibilité de la vie.



Sa morale : ceux qui ont trop « romantisés » l’amour, finissent toujours par se détruire.
Son paradoxe : l’esthétique et la thématique de Time nous plonge dangereusement dans ce spleen romantique.

Kim nous a une fois de plus touché en plein cœur.
Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!

Nightmare Detective





Nigthmare Detective
Japon 2006

De Shinya Tsukamoto
Avec Ryuhei Matsuda, Hitomi,
Shinya Tsukamoto, Masano Bu Ando,
Ren Osugi




Depuis quelques temps, une succession de morts violentes endeuillent la ville de Tokyo. Plusieurs personnes sont retrouvées sauvagement mutilées dans leur appartement. Tout porte à croire qu’il s’agit de suicide, mais le carnage est tel que de sérieux doutes commencent à peser. Doutes d’autant plus renforcés que les victimes semblent toutes s’être suicidées dans leur sommeil après avoir téléphoné à un mystérieux « 0 ».


Pour sa première confrontation avec le terrain la jeune détective Keiko Kirishima (Hitomi) se retrouve sur une enquête qui flirte avec le paranormal. L’assassin agit en rêve et semble n’exister qu’à travers un numéro de téléphone, le numéro zéro. Dans son enquête, elle fait appel au mystérieux Kyoichi Kagenuma (Ryuhei Matsuda), un “Nightmare Detective”qui possède la faculté de s’immiscer dans les rêves d’autrui. Mais la coopération avec le jeune homme ne va pas être des plus aisée, car celui-ci déteste son don. Emportant avec lui les cauchemars de ses hôtes et le fardeau de leurs pensées, Kyoichi a perdu le goût de la vie et l’espoir envers le genre humain.


A travers son histoire extraordinaire et son anti-héros attachant, Shinya Tsukamoto, nous parle avant tout de suicide et du mal de vivre profond de ses concitoyens. En bien des thèmes il rejoint donc les sinistroses cinématographiques que sont Suicide Club et Noriko’s dinner Table de Sono Sion.


En mettant en scène de manière assez traumatisante la métaphysique des rêves, Shinya Tsukamoto, n’a de cesse d’évoquer que l’idée de mort est enfouie au fond de nous. Tapis dans notre inconscient, dans l’ombre des songes, prête à surgir dans un moment de détresse, même inopportun et nous saisir dans son maelström de violence. Ce n’est pas un hasard que ce soit donc le réalisateur lui même qui tienne le rôle de 0, mystérieux et insaisissable tueur onirique.


Shinya Tsukamoto ponctue son film de messages abstraits, parfois difficiles à décoder. L’histoire est des plus captivante, mais la mise en scène si particulière du réalisateur (montage stroboscopique, alternance caméra secouée et plans fixes), peut parfois faire décrocher le spectateur lambda. (1)


Et pourtant le concept de Nightmare Detective a de quoi en fasciner plus d’un. Et c’est avec une certaine impatience indulgente que nous attendons une éventuelle séquelle, afin d’en savoir plus sur ce héros triste et sombre, afin de pénétrer l’univers de ce Nightmare detective qui nous a laissé sur notre faim.



(1) C’est pourtant sa réalisation la plus « abordable », puisqu’il s’agit là de son premier effort « commercial » après des œuvres auteurisantes, tels que Testuo, Bullet Ballet ou Tokyo Fist..

PREVIEW !!!

NIGHTMARE DETECTIVE 2 est enfin terminé ! Les fans attendaient une suite prometteuse et d'après les échos des rares chanceux qui ont pu le voir, ce deuxième opus s'avère être une magistrale réussite. Pas de date annoncée pour la sortie sur les écrans ou en DVD, reste à nous armer de patience avant d'explorer la psychée des rêves du prochain Shinya Tsukamoto.
Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!

Noriko's Dinner Table [2006]



Suicide Club 0
Noriko’s Dinner Table ou le voyage de Noriko
Japon 2006

De Sono Sion
Avec
Tsugumi, Kazue Fikiishi,
Ken Mitsuishi, Yuriko Yoshitaka





Suite / préquelle du désormais culte Suicide Club, le voyage de Noriko (alias Suicide Club Zéro) narre la genèse de ce mal-être générationnel exploité avec grand guignol et mystère dans le premier film de Sono Sion. Bien que Le voyage de Noriko diffère d’un point de vue narratif et visuel de son prédécesseur, il n’en reste pas moins une œuvre toute aussi géniale et déstabilisante.



Bienvenu dans son intimité, Noriko, 17 ans, habite une petite ville rurale du Japon, bien loin des tumultes et de l’énergie de la Capitale. S’ennuyant ferme dans une cellule familiale qui ne semble pas la comprendre, la jeune fille se réfugie sur des forums où elle peut ainsi briser sa solitude. Ces amitiés épistolaires et virtuelles et notamment sa correspondance avec une internaute nommée Ueno54, la pousseront à fuguer de chez elle pour Tokyo.

Quelques mois plus tard, Yuka, sa jeune sœur, prendra le même chemin, avec l’espoir de comprendre. Les deux filles vont alors intégrer un étrange cercle censé répondre à leur mal existentiel. Cercle qui n’en est en vérité qu’un réseau dirigé par Kumiko, alias Ueno54, qui tire son pseudo du fait qu’elle fut trouvée quelques jours après sa naissance dans la consigne automatique 54 de la gare d’Ueno à Tokyo. Orpheline, Kumiko s’est lancée dans une étrange entreprise de famille à louer et entraîne dans sa spirale Noriko et Yuka. Pendant ce temps, leur père, ivre de chagrin, après que sa femme se soit suicidée, écume les rues de la capitale à la recherche de ce qui reste de sa famille. Prêt à tout pour retrouver ses enfants, il se soumettra malgré lui à cette mascarade afin de reconquérir l’amour de ses filles.



NORIKO’S DINNER TABLE, nous rappelle combien la vie est précieuse, mais combien il est dur d’être heureux. A ce titre, Suicide Club 0 pourrait être le parfait « anti- manuel » du bien-être. Un « death note » naïvement parcouru par une jeune fille trop rêveuse, solitaire et timide, incapable de concevoir le bonheur auprès des siens.



Stigmatisation de la solitude

Dans une société hermétique à toute forme d’individualisme. Le Japon de Sono Sion, témoigne du mal être profond de ses insulaires, bernés par le mirage des grandes villes, où Internet devient l’unique refuge des âmes esseulées. Là encore un phénomène très répandu dans l’archipel, les marginaux qui « vivent » leur vie sociale à travers les innombrables cyber-cafés.
Le phénomène de ‘’Famille à Louer’’ mis en exergue dans le film de Sion, en devient presque terrifiant, témoignant de cette schizophrénie japonaise où le factice paraît plus vrai que le réel.
Sous la caméra du Maître, les émotions d’une famille « contrefaite » paraissent alors plus réelles que celles du père de Noriko qui lui a toujours retenu les siennes (tradition japonaise oblige).



Autre scène emblématique : lors de son arrivée à la capitale, Noriko arrache le fil décousu de sa manche de manteau, qu’elle assimile à un cordon ombilical, un acte symbolique afin de couper tout lien avec son passé et sa famille. Avec Noriko qui ne distingue plus la réalité de la fiction et Kumiko qui l’entraîne dans le sillage de sa folie, Suicide Club 0 bascule dans le surréalisme le plus fou, où la vie est mise en scène, où le factice devient réel, où la vraie vie devient la mort.



Le Japon selon Sion

Voici la pesanteur et l’isolement d’une société qui elle-même se met en scène. Une société née avec un bébé trouvé dans une consigne, cette histoire d’enfant abandonné qui trouvera sa place via la création de ce club de famille à louer. Kumiko représente aussi l’élément fantastique du film au sein de cette absurde réalité. Il semblerait qu’elle soit le véritable monstre du film (si ce n’est un autre…).



En fait nous passons notre vie à jouer un rôle. Tous les personnages ont perdu la notion de leur identité profonde, leur mode de vie devient même l’instrument d’une mise en scène ritualisé, figée, avec l’apparence de la sécurité pour mieux cacher un malaise profond. Ce sentiment de solitude en société.



Suicide Club 0 aborde également une autre aspérité de la société nippone, celle du suicide familiale. Un euphémisme culturel et tabou, pour dénoncer de manière honorable ces pères dépressifs qui assassinent leur famille et se suicident ensuite !

« Je suis né pour respirer »




Pour reprendre les paroles de l’héroïne, mais naître s’est aussi être condamné à mourir. Dans ce pays où elle a vu le jour, Noriko s’étouffe, terrorisé par le monde, mais curieusement excitée par l’inconnu.

Récit sous forme de journal intime, Suicide Club 0, est avant tout la chronique d’une jeunesse perdu entre devoir et rébellion. Abandonnée dans un système, où il est difficile pour des êtres fragiles et rêveurs d’y faire leur place. Bien qu’il ne nous offre pas les clefs pour mieux cerner son premier Suicide Club, Sono Sion nous éclaire néanmoins sur les maux d’une société trop pudique et fermée. Tellement figée que l’on se créé, pour mieux la supporter, des familles idéales afin de se donner un peu de bonheur. Une famille factice pour un bonheur bien réel. En voila un paradoxe !


Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!