Nouveauté cinéma asiatique

Gallants
Hong Kong 2010

De Derek Kwok et Clement Cheng
Avec Wong You-Nam, Bruce Leung, Chen Kuan-Tai,
Teddy Robin Kwan, Michael Chan, J.J Jia,
Siu Yam-Yam, Lo Meng, Goo Goon-Chung



Alors là le coup de cœur et le coup de fouet de l’année. Gallants est tout ce que j’aime, culte, anti-nostalgique, universel. Il parodie avec finesse et humour le genre du cinéma kung fu de l’ancienne colonie Britannique (Hong Kong). Rendant hommage aux héros de notre enfance tout en tendant la main vers la nouvelle vague et sa jeunesse (MC Jin). D’une lucidité bonne enfant, Gallants garanti un retour aux sources vivifiant. L'émerveillement est toujours là et le transport est total.


Cheung travaille pour une agence immobilière de Hong Kong. Timoré et maladroit, il est la risée de son entourage qui passe son temps à l'humilier. Alors qu’il est envoyé dans un village de l'archipel pour régler une dispute de bail, il fait la connaissance avec deux vieux experts en kung-fu, Dragon et Tiger. Ceux-ci veillent jour et nuit sur leur maître plongé dans le coma depuis 30 ans. Lorsque ce dernier se réveille, il se croit toujours à son époque et prend le jeune Cheung pour un de ses disciples et croit que Dragon et Tiger sont les élèves de Cheung. Le petit groupe avec l'aide de complices mettra tout en œuvre afin de préserver les illusions du vieux Maître, d'autant plus que des promoteurs véreux ont décidé de faire main basse sur l'école du sifu (1).

Gallants représente un trésor national unique et l'on devine à quel point l'histoire est en phase avec les aspirations du film, le retour au cinéma de genre et le désir subtil de créer un pont entre plusieurs générations. L'atmosphère des films d'antan (la 36ème chambre de Shaolin, le justicier de Shanghai) paraît intacte, mais nul ne peut nier les affres du temps. Comme pour le vieux maître Derek Kwok et Clement Cheng nous invite à revivre le passé avec l'humour et le cœur du présent. Les combats sont ingénieux, lisibles et rythmés, l'humour cantonnais est omniprésent (les quiproquos, les entrainements loufoques). Pas de doute, nous sommes bien en présence d'une œuvre qui rend hommage au genre et qui dépasse de loin la rétrospective passéiste. On espère une sortie en France courant 2011.

(1) sifu : maître



Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!

Retro coup de coeur


Sparrow
Hong Kong 2008
De Johnnie To avec Simon Yam, Kelly Lin


Film de commande classe et efficace, pour les amateurs de petits encas ciné pertinents et bien ficelés. Une nouvelle déclaration d’amour de M. To envers Hong Kong et ses acteurs locaux dont l’inévitable Simon Yam.
Cette fois le réalisateur compose un étrange ballet d’intrigues mettant en scène un gang de pickpocket. Ce qui permet au maître de nous gratifier de superbes duels citadins où les cutters remplacent les flingues où les cibles sont les sacs à mains et les portefeuilles en tout genre.




Le combat des maîtres
Hong Kong 1976 de Liu Chia-Liang avec Gordon Liu, Chen Kuan Tai, Liu Chia-Liang
Mon coup de cœur pour l’enseignement martial parallèle à l’enseignement moral.
Au fur et à mesure que le héros campé par Gordon Liu acquiert en technique, il grandit en vertu.Le combat des maîtres de Liu Chia Liang (authentique sifu de kung fu) rappelle à mes souvenirs ces films de kung fu à vocation humaniste qui ont fait mon éducation et qui manquent trop aujourd’hui. 
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A World Without Thieves

Chine 2004
DeFeng Xiaogang
Avec Andy Lau et Rene Liu




Face à un candide au cœur pur, qu’ils comptaient dépouiller, un couple de voleur au bord de la rupture, se résigne pour diverses motivations à protéger cet homme naïf et sans défenses. Pour l'une (René Liu) c'est l'occasion de se racheter de ses fautes et d'alléger son Karma et pour l’autre (Andy Lau) de reconquérir sa femme.



Dans A world without thieves, Prouesses martiales, se mêlent aux prouesses larcines et aux jeux des masques entre loups. Feng Xiaogang avec l'arrivé d'une bande adverse dépeint une galerie de voleurs hétéroclites et tenaces. Mais tous moralement antinomiques. Et au fil de l’histoire, la soif du butin laisse place à d’autres motivations plus profondes et diverses selon les protagonistes.

Jouant sur plusieurs tableaux, le film fait preuve d'une légèreté de ton particulière et d'une mise en scène habile et sophistiquée. L’art du vol se confond au kung fu, qui en chinois ne désigne pas forcément l’art martial, mais la recherche de l’excellence dans une discipline. D’ailleurs les scènes d’actions filmées tel un ballet ne sont pas sans rappeler les joutes artistiques du Duelistes du Coréen Lee Myung-Se.

Mais cette légèreté de ton, laisse aussi place à d’intenses émotions, un climax sincère et prenant, notamment lorsqu’il aborde les aspérités plus graves de son sujet. Bien qu'à 80 % confiné dans un train, le récit ménage des rebondissements haletants, harmonieux et sans failles. Le train est un espace expressif très riche, un microcosme de personnages variés, un terrain de jeu pour une exploitation de péripéties inventives, qui maintient en éveil constant l'empathie et l'attention du spectateur.

De plus il faut aussi souligner l’étonnante tolérance de la Chine que de laisser le réalisateur mettre en scène les tribulations de ce couple de voleurs. Feng Xiaogang parvient à rapprocher le continent chinois et Hong Kong à travers le ton, l’audace et le mélange des acteurs (Andy Lau pour Hong Kong, Rene Liu pour la Chine). Voilà qui fait de Feng Xiaogang un réalisateur à ne pas perdre de vu.

D’ailleurs son dernier film Héros de guerre est une ode toute en nuance sur la représentation de la guerre fratricide qui divisa la Chine après le conflit sino-japonais. et au delà du devoir de mémoire, le film de Feng Xiaogang, fait preuve d'une sincérité poignante et surtout d'une absence de nationalisme malsain qu'il est important de souligner. Une ode guerrière pour la paix en somme.
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15 de Royston TAN

Singapour 2003
De Royston Tan
Avec Melvin Chen, Erick Chun,
Melvin Lee, Vynn Soh,
Shaun Tan

La Société a la progéniture qu’elle mérite


Pour son premier essai, Royston Tan frappe fort, prenant pour toile de fond, la dérive d’adolescents marginalisés dans un Singapour qu’ils arpentent au gré de leurs déliquescence. C’est tant par le cadre (Singapour) que par son traitement pour le moins expérimental, que Royston Tan réalise une œuvre percutante et hypnotique. Un film trip, prenant des allures de docu fiction sous acides, dangereux pour certains, culte pour les autres.

Cinq adolescents âgés d’une quinzaine d’années vivent seuls à Singapour. Ils ont quitté la cellule familiale et abandonné l’école. Sans aucun repère social, à part celui d’appartenir à un groupe uni par l‘amitié, ils passent leur temps à tenter de nouvelles expériences, souvent douloureuses. Désœuvrés, seuls, entre lassitude et quête d’identité, ils errent dans cette ville aseptisée, qui les ignore et les marginalise.

Dans cet univers, les adultes sont relégués au second plan, hors-champ, leur autorité n'existe pas. C’est un monde livré à l'absurde, où la vie est vécue comme un jeu. Epousant leur point de vue, Royston Tan adopte une mise en scène légère et fantasmée, drôle et décalée : tranche de vie en karaoké, bagarre de rue sous le prisme du jeu vidéo…
Un monde sur le fil (fil de l’amitié entre autre…) où la frontière entre réalité et interprétation est ténue. Un fil qu’ils veillent à ne jamais voir se rompre.


Royston Tan, traite la violence avec la légèreté de l’inconscience, celle d’une jeunesse abandonnée et beaucoup plus livrée (adolescence oblige) à ses sens qu’à sa conscience.
Le traitement de cette fable sociale par ailleurs fondue sur leur perception fantasmatique du quotidien, travestit dès lors la réalité à travers des thèmes pourtant universels (amour, suicide, violence, solitude), les rendant presque supportables.

Le côté amateur du jeu et la mise en scène métaphorique brillante alternant délire visuels et naturalisme documentaire font de 15 un cocktail détonnant. Car se sont bien de vrais ados des rues qui jouent ici leur propre rôle et Royston Tan, est devenu malgré lui un bad boy de la scène cinématographique locale. Ayant poussé les limites de la censure singapourienne, le film a en effet été interdit par les autorités car considéré comme dangereux pour la nation.

La responsabilité de ceux qui donnent la vie

Bien que grands absents du métrage, le film ne s’adresse pas moins aux adultes. C’est pourtant simple : une jeunesse sans parents pour les aimer, les élever ou les comprendre est une jeunesse sans avenir. Dès lors de ces ados qui vivent au gré du vent, ne subsiste que des résidus de conscience et d’apprentissage, mis en relief par la douleur et les mutilations. Bien que ces mutilations aient aussi une vocation tribale, c’est à dire d’appartenance. Si les images peuvent paraître furtives, décalées et chaotiques, c’est pare que leur vie est ainsi. Syncopée comme leur cœur, contemplative (les panoramiques) comme leurs pensées.

Amoralité attachante

L'école buissonnière, la drogue, les gangs, les tatous et les piercing… en surface ces garçons forment un tableau plutôt sombre, fait d’ennui, de contestation (Singapour est connue pour être extrêmement répressive) et de nihilisme. De même que leur distance ironique et iconique au monde, les présente tel des mechas dépourvus d’émotion qui ne peuvent être vaincu, ni même touché. Pourtant Royston Tan reste très attentif quant à leur intimité et leur besoin sous-jacent d’être proche de quelqu'un, que ce soit dans un jeu d'insultes à tir rapide, ou lors d’une étreinte en fin de soirée, à l’abris du regard des autres. Hermaphrodites en perpétuelle recherche, ces enfants peuvent aussi montrer certains des meilleurs traits de la nature humaine.
Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!