L'Odyssée de Pi


2012 USA
De Ang Lee
Avec Suraj Sharma
Irrfan khan, Hadil Hussain,
Gerard Depardieu





Roman initiatique et fantastique réputé inadaptable du Canadien Yann Martel, L’Odyssée de Pi vient enfin de trouver son plus bel écrin cinématographique à travers la réalisation d’Ang Lee. Le réalisateur Taïwanais a su retranscrire avec brio l’essence originelle et le style si particulier de ce projet ainsi que sa dimension spirituelle et allégorique jadis convoitée par d’autres grands noms du cinéma tels qu’Alfonso Cuaron ou Jean Pierre Jeunet.


Piscine Molitor Patel, alias Pi (Suraj Sharma) grandit à Pondichéry, candide et curieux, il s’émerveille de tout, du zoo de son père, à la découverte de l’amour et de la spiritualité. De l’enfance à l’adolescence le jeune Pi fait ainsi ses premiers pas dans la vie. Mais son destin se verra bousculé lorsqu’embarquant avec sa famille sur un cargo en partance pour le Canada, le navire fait naufrage en plein Océan Pacifique. Seul survivant, il doit partager son canot de sauvetage avec un tigre du Bengale. Là commence son apprentissage.


Fable initiatique visuellement époustouflante, l’Odyssée de Pi nous épargne tout l’étalage niaiseux d’un spectacle féérique grossier et dépourvu de profondeur. Tout d’abord Ang Lee a la bonne idée de nous épargner tout anthropomorphisme entre le jeune homme et le tigre. Chacun est sa place, la place que la nature lui impose, ce qui n’empêche pas une profonde relation entre Pi et l’animal. De plus dans cette aventure contrebalancée de merveilleux, Pi part son apprentissage est en quelque sorte notre repère moral, celui de l’Homme quant à sa place dans l’univers. L’Homme qui face à l’immensité réapprend les valeurs de l’humilité. Par ailleurs la féerie du récit, et c’est là toute la force de l’adaptation du cinéaste, demeure la traduction onirique d’un état d’esprit, d’un cheminement spirituel. A ce titre les images et la réalisation exagérément merveilleuse transcendent littéralement le propos.


L’Odyssée de Pi est conte épique aux dimensions spirituelles, une quête pleine d’enseignement dont le tour de force réside dans son universalité. L’apothéose finale extatique et bouleversante justifie à elle seule le cœur du film et les raisons de sa mise en scène. L’Odyssée de Pi de Ang Lee réussi le pari impossible d’être un manifeste déiste ouvert à l’interprétation de tous.

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HIMIZU

Japon 2011
De Sono Sion
avec Shota Sometani, Fumi Nikaidou,
Tetsu Wakanabe, Mitsuru Fukikushi.

Diffusé en clôture du festival Deauville-Asia, le dernier film de Sono Sion raconte l’errance de Simizu, un adolescent perdu dans un japon ravagé par un Tsunami. Himizu c’est la colère, la rage… Himizu c’est la catharsis d’une population qui sous le masque de la dignité a tût sa douleur. Par ses excès Sono Sion libère une souffrance et une colère traditionnellement étouffées par les conventions japonaises. Dans son film le cinéaste crie pour le peuple japonais.


La mort et la folie submerge le spectateur, dans la continuité déliquescente d’un Suicide Club et ce désespoir virale transmit de génération en génération. Mais cette fois Sono Sion a su faire preuve de retenue dans sa narration (il a mit la pédale douce au niveau du gore), bien qu’Himizu demeure inclassable, voire inénarrable par ses détails et la complexité de ses protagonistes. Je garderais donc pour moi ces détails afin de ne pas spoiler le contenu et la corrosive moelle de cette œuvre nihiliste.


Sono Sion signe ici un nouveau point de non retour dans l’éclatement de la cellule familiale japonaise, soulignant les faiblesses et les épreuves d’une nation frappée par une démographie déclinante et un taux de suicide effarant. Accidentellement d’actualité, le film rebondit sur la catastrophe de Fukushima qui frappa le pays pendant le tournage. Himizu prend alors une valeur testimoniale qui fait resurgir le spectre nucléaire d’un pays hanté par son passé et incertain quant à son futur.

Brillant et éprouvant.





WOMAN KNIGHT OF MIRROR LAKE

Chine 2011
De Herman Yau
Avec Rose Chan, Kevin Cheng,
Terri Doty




L’épopée héroïque et révolutionnaire d'une des grandes figures féministes chinoises, Qiu Jin, et de sa lutte pour l'émancipation des femmes au sein d'une Chine Impériale décadente et sur le déclin. Herman Yau retrace ici la destinée remarquable de cette héroïne de la vrai vie. Une femme qui utilisa l’art des lettres et les secrets du kung fu pour transformer la société.


Poétique et tragique, le film d'Herman Yau, sous les apparats de la fresque historique, démontre également toute la modernité du combat des femmes, encore et toujours d'actualité dans une société masculine insensible à leur souffrance. Subtilement chorégraphié par Tony Leung, le film exploite également toute l'étendue paritaire des arts martiaux chinois.


Apréciable à souligner, Woman Knight of Mirror Lake, fait parti de ces rares films dont la fresque historique a su épargner les spectateurs de toute propagande ultra nationaliste et raciste, malheureusement caractéristique de certains films de la République Populaire de Chine.






CUT
Japon 2011
Réalisateur : Amir Naderi
Avec Hidetoshi Nishijima, Takako Tokiwa,
Takashi Sasano, Shun Sugata, Denden.

Primé dans de nombreux festivals, dont celui de Venise 2011. Le film du réalisateur expatrié Iranien peine à trouver un distributeur à défaut de son public. Cut reste donc pour le moment inédit en DVD dans nos contrées.

Shuji n’a que 12 jours pour honorer une dette qui a coûté la vie à son frère. Menacé de mort par des Yakusas, il choisit une solution extrême pour rassembler l’argent, il décide de devenir un punching-ball humain moyennant rétribution.


Violence, torture et sadisme, bien qu’il ménage de belles pauses intimistes et émouvantes, le film d’Amir Naderi est bien une allégorie tuméfiée du cinéma indépendant (qui n’est pas sans nous rappeler Fist de Tsuya Tsukamoto). Un cinéma expérimental, douloureux, un essai à contre courant de la collectivité commerciale, collectivité à la fois mécène et tortionnaire, à l’instar de ces Yakusas qui maltraitent le héros de leur argent et de leurs poings. Une curiosité accessible et à découvrir.


TV show

La télé tue…

Un petit retour en arrière sur une sortie DVD qui avait attisée la curiosité de certains.
Hideo Nakata peine à retrouver l’inspiration depuis Marebito, Ring et Dark Water (pour ne citer que les meilleurs), surfant sur la mouvance thématique de Tc@t room (son précédent film américain), le réalisateur s’en prend cette fois-ci à la télé réalité.


Contre la somme de 1000 € de l’heure, 10 personnes acceptent de participer à une mystérieuse émission de télé réalité. Enfermées et filmées 24h sur 24 pendant 7 jours, elles ne doivent observer qu'une seule règle : survivre...


Vous l’aurez comprit, ce pitch exagérément accrocheur permet au réalisateur de se lâcher sur les dérives de la télé réalité et donc de dénoncer une société nauséabonde voyeuriste et narcissique.




Hideo Nakata appuie ses propos avec une métaphore sanglante sur la compétitivité nippone et tire à gros boulets via ses personnages sur le culte des stéréotypes au profit de l’identité personnelle. Mais trop vite le réalisateur délaisse son début de diatribe pour tomber dans un whodunit plat et ennuyeux. Pire le grain de folie que l’on espérait tant se fait désespérément attendre et ce qui devait être un long métrage déjanté et transgressifs comme ses illustres prédécesseurs Battle Royale et 2LDK, devient un film convenu et poliment méchant.

Dommage.

WU XIA

Hong Kong 2011
De Peter Hu-Sun Chan
Avec Donnie Yen; Takeshi Kaneshiro,
Jimmy Wang Yu, Tang Wei,
Li Xiaoran, Zheng Wei

Comment définir l’énigmatique Wu Xia ? Un hommage crépusculaire aux œuvres martiales d’antan, un melting-pot audacieux (ou maladroit) de plusieurs genres ? Un peu de tout en vérité.

Cette luxueuse production HK est une relecture à la fois nostalgique et moderne aux très codifiés films d’arts martiaux Chinois. Un exercice de style qui contribue à lui redonner ses lettres de noblesses.



Depuis la révolution Tsui Hark avec The Blade et Seven Swords, Peter Ho-Sun Chan s’essaie à son tour à un remaniement du genre sous couvert d’un scénario astucieux et d’une superbe photographie. Wu Xia de part sa narration est un film protéiformes mélangeant enquête et wu xia pian. A la fois sombre et sacré, il remet également à l’honneur l’efficacité redoutable des arts martiaux.

La fin d’une retraite tranquille

Deux bandits font irruption dans un village et menacent de mettre à sac un commerce. Un homme d’apparence ordinaire (Donnie Yen) s’en mêle et parvient miraculeusement à les vaincre.

Mais ce qui aurait du s’apparenter à une rixe, ressemble plus à un enchainement d’incidents aux conséquences mortelles pour les 2 belligérants. A moins que cet homme, à priori insignifiant, ne possède une maîtrise exceptionnelle du Kung Fu qui lui aurait permis de maquiller ce combat.

Ce village n’abriterait-t-il pas le célèbre Liu Jin-xi, tueur à gage expert en arts martiaux, désireux de prendre sa retraite ? C’est que soupçonne, un détective (Takeshi Kaneshiro) dépêché sur place par les autorités pour comprendre comment un homme aussi simple a pu se débarrasser de ces deux bandits très recherchés et extrêmement dangereux. Très vite le passé de Liu Jin-xi le rattrape, celui-ci, non content de se retrouver traqué par cet enquêteur, se voit rattrapé par son ancien maître et les démons de son passé.


La synthèse des genres

Peter Ho-Sun Chan choisit de s’affranchir de l’épopée héroïque propre au roman chevaleresque chinois au profit d’une enquête sur fond de vengeance, dévoilant les réminiscences sanglantes d’un homme prêt à tout pour conserver son anonymat (ce qui n’est pas sans nous rappeler History of Violence de Cronenberg).

La figure héroïque est ici évoquée à travers 2 dimensions celle du mythe et celle du factuelle à travers le regard du détective joué par Takeshi Kaneshiro.


Le film de Peter Ho-Sun Chan évolue ainsi entre différentes ambiances, allant du polar au western, malheureusement quelques passages d’humour lourdingue viennent gâcher l'aventure.


Inspiré, visuellement magnifique, transcendé par ses chorégraphies, Wu Xia peut-être considéré comme faisant parti des meilleurs films d’arts martiaux Chinois de cette année. Petit bémol, cette impression que le réalisateur ne semble pas vouloir aller jusqu’au bout de son idée, la faute à une narration qui n’appuie pas assez l’ampleur dramatique de son sujet.


Accueilli avec enthousiasme au festival de Cannes 2011, succès au box office asiatique, espérons que le film de Peter Ho-Sun Chan bénéficiera d’une sortie en salle chez nous.