Noriko's Dinner Table [2006]



Suicide Club 0
Noriko’s Dinner Table ou le voyage de Noriko
Japon 2006

De Sono Sion
Avec
Tsugumi, Kazue Fikiishi,
Ken Mitsuishi, Yuriko Yoshitaka





Suite / préquelle du désormais culte Suicide Club, le voyage de Noriko (alias Suicide Club Zéro) narre la genèse de ce mal-être générationnel exploité avec grand guignol et mystère dans le premier film de Sono Sion. Bien que Le voyage de Noriko diffère d’un point de vue narratif et visuel de son prédécesseur, il n’en reste pas moins une œuvre toute aussi géniale et déstabilisante.



Bienvenu dans son intimité, Noriko, 17 ans, habite une petite ville rurale du Japon, bien loin des tumultes et de l’énergie de la Capitale. S’ennuyant ferme dans une cellule familiale qui ne semble pas la comprendre, la jeune fille se réfugie sur des forums où elle peut ainsi briser sa solitude. Ces amitiés épistolaires et virtuelles et notamment sa correspondance avec une internaute nommée Ueno54, la pousseront à fuguer de chez elle pour Tokyo.

Quelques mois plus tard, Yuka, sa jeune sœur, prendra le même chemin, avec l’espoir de comprendre. Les deux filles vont alors intégrer un étrange cercle censé répondre à leur mal existentiel. Cercle qui n’en est en vérité qu’un réseau dirigé par Kumiko, alias Ueno54, qui tire son pseudo du fait qu’elle fut trouvée quelques jours après sa naissance dans la consigne automatique 54 de la gare d’Ueno à Tokyo. Orpheline, Kumiko s’est lancée dans une étrange entreprise de famille à louer et entraîne dans sa spirale Noriko et Yuka. Pendant ce temps, leur père, ivre de chagrin, après que sa femme se soit suicidée, écume les rues de la capitale à la recherche de ce qui reste de sa famille. Prêt à tout pour retrouver ses enfants, il se soumettra malgré lui à cette mascarade afin de reconquérir l’amour de ses filles.



NORIKO’S DINNER TABLE, nous rappelle combien la vie est précieuse, mais combien il est dur d’être heureux. A ce titre, Suicide Club 0 pourrait être le parfait « anti- manuel » du bien-être. Un « death note » naïvement parcouru par une jeune fille trop rêveuse, solitaire et timide, incapable de concevoir le bonheur auprès des siens.



Stigmatisation de la solitude

Dans une société hermétique à toute forme d’individualisme. Le Japon de Sono Sion, témoigne du mal être profond de ses insulaires, bernés par le mirage des grandes villes, où Internet devient l’unique refuge des âmes esseulées. Là encore un phénomène très répandu dans l’archipel, les marginaux qui « vivent » leur vie sociale à travers les innombrables cyber-cafés.
Le phénomène de ‘’Famille à Louer’’ mis en exergue dans le film de Sion, en devient presque terrifiant, témoignant de cette schizophrénie japonaise où le factice paraît plus vrai que le réel.
Sous la caméra du Maître, les émotions d’une famille « contrefaite » paraissent alors plus réelles que celles du père de Noriko qui lui a toujours retenu les siennes (tradition japonaise oblige).



Autre scène emblématique : lors de son arrivée à la capitale, Noriko arrache le fil décousu de sa manche de manteau, qu’elle assimile à un cordon ombilical, un acte symbolique afin de couper tout lien avec son passé et sa famille. Avec Noriko qui ne distingue plus la réalité de la fiction et Kumiko qui l’entraîne dans le sillage de sa folie, Suicide Club 0 bascule dans le surréalisme le plus fou, où la vie est mise en scène, où le factice devient réel, où la vraie vie devient la mort.



Le Japon selon Sion

Voici la pesanteur et l’isolement d’une société qui elle-même se met en scène. Une société née avec un bébé trouvé dans une consigne, cette histoire d’enfant abandonné qui trouvera sa place via la création de ce club de famille à louer. Kumiko représente aussi l’élément fantastique du film au sein de cette absurde réalité. Il semblerait qu’elle soit le véritable monstre du film (si ce n’est un autre…).



En fait nous passons notre vie à jouer un rôle. Tous les personnages ont perdu la notion de leur identité profonde, leur mode de vie devient même l’instrument d’une mise en scène ritualisé, figée, avec l’apparence de la sécurité pour mieux cacher un malaise profond. Ce sentiment de solitude en société.



Suicide Club 0 aborde également une autre aspérité de la société nippone, celle du suicide familiale. Un euphémisme culturel et tabou, pour dénoncer de manière honorable ces pères dépressifs qui assassinent leur famille et se suicident ensuite !

« Je suis né pour respirer »




Pour reprendre les paroles de l’héroïne, mais naître s’est aussi être condamné à mourir. Dans ce pays où elle a vu le jour, Noriko s’étouffe, terrorisé par le monde, mais curieusement excitée par l’inconnu.

Récit sous forme de journal intime, Suicide Club 0, est avant tout la chronique d’une jeunesse perdu entre devoir et rébellion. Abandonnée dans un système, où il est difficile pour des êtres fragiles et rêveurs d’y faire leur place. Bien qu’il ne nous offre pas les clefs pour mieux cerner son premier Suicide Club, Sono Sion nous éclaire néanmoins sur les maux d’une société trop pudique et fermée. Tellement figée que l’on se créé, pour mieux la supporter, des familles idéales afin de se donner un peu de bonheur. Une famille factice pour un bonheur bien réel. En voila un paradoxe !


Ce texte provient de whispering-asia, la copie intégrale est illicite!

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